vendredi, octobre 17, 2025

Tribune : La note B+ stable, un tournant dans la capacité d’endettement de la Guinée !

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Se féliciter d’abord d’avoir franchi un cap qui, hier encore, semblait hors de portée : la Guinée figure désormais dans le tableau de notation financière internationale.

Pour la première fois, notre pays ne se définit plus seulement à travers les jugements approximatifs des banques ou les appréciations subjectives des prêteurs ; il dispose d’une reconnaissance objective, mesurée et validée par une agence internationale.

La note B+ stable n’est pas seulement un symbole, elle constitue un levier décisif dans la manière dont nous accédons au financement. Jusqu’à présent, l’évaluation de notre risque souverain relevait davantage d’une perception que d’une démonstration. Les banques commerciales et certains bailleurs se contentaient d’affirmer que la Guinée présentait un risque élevé, imposant ainsi des conditions de financement parmi les plus dures de la sous-région.

Concrètement, nous empruntions à des taux proches de SOFR + 8 à 10 %, ce qui plaçait le coût du service de la dette dans une zone de forte contrainte budgétaire. Chaque dollar emprunté était lourdement grevé par une prime de risque que rien ne venait objectiver, si ce n’est la méfiance. La note B+ change fondamentalement la donne. Elle introduit une référence incontestable qui situe la Guinée dans une classe précise, lisible et comparable.

Cette classification crédible ouvre un espace de sincérité dans nos discussions avec le marché financier international. Désormais, nous savons exactement quelle est notre place, et nous pouvons la défendre avec des arguments solides. Les investisseurs n’ont plus besoin de spéculer sur notre profil de risque ; ils disposent d’une évaluation claire qui nous positionne au-dessus des économies les plus fragiles, et qui atteste d’une amélioration de notre gouvernance macroéconomique.

L’impact sur nos capacités d’endettement est immédiat et mesurable. Le passage d’une perception arbitraire à une notation reconnue réduit significativement la prime de risque. Là où nous devions accepter des prêts à SOFR + 9 %, nous pouvons désormais négocier autour de SOFR + 3 à 4 %.

Sur un emprunt type de 500 millions USD sur dix ans, cela représente entre 150 et 275 millions USD d’économies, selon que l’on rembourse en amortissement linéaire ou en bullet. Ces chiffres ne sont pas théoriques : ils traduisent des marges financières qui, autrement, se seraient évaporées dans le seul coût du risque.

Mais cette avancée n’aurait pas été possible sans le patriotisme et la lucidité des autorités guinéennes. Dans un contexte où les offres de financement, parfois mirobolantes, pouvaient séduire, elles ont fait preuve de prudence en refusant de compromettre l’avenir financier du pays. Elles ont maintenu le ratio dette/PIB en dessous de 50 %, quand la quasi-totalité des pays de la sous-région oscillent entre 70 % et 110 %. Elles ont également posé un principe simple mais fondateur : conditionner la recherche de nouveaux financements à une évaluation préalable et à une notation indépendante de notre situation.

Cette démarche courageuse et responsable a évité à la Guinée de contracter des dettes plus chères, injustes et insoutenables. Connaître sa classe, c’est donc plus qu’un confort intellectuel : c’est un instrument de souveraineté financière. Cette note nous permet de discuter d’égal à égal avec les investisseurs institutionnels, de diversifier nos sources de financement, et de mobiliser des volumes plus importants à des conditions soutenables.  Elle améliore la soutenabilité de notre dette publique et libère de nouvelles marges pour investir dans les secteurs stratégiques : infrastructures, énergie, industrialisation, jeunesse et inclusion sociale.

La Guinée entre ainsi dans une nouvelle ère où son accès aux marchés financiers internationaux repose moins sur des perceptions floues que sur une évaluation objective et vérifiable. La note B+ est un signal de confiance, mais aussi un appel à la responsabilité. Elle nous invite à poursuivre les réformes pour consolider cette crédibilité, car chaque point gagné sur l’échelle de notation se traduit en milliards économisés, et chaque recul se paie immédiatement au prix fort.

En définitive, cette note n’est pas une fin en soi, mais le début d’une trajectoire. Elle doit être perçue comme un atout pour construire un futur où la Guinée emprunte moins cher, emprunte mieux, et transforme chaque dollar mobilisé en richesse durable pour ses citoyens.

La finance internationale ne nous regarde plus avec suspicion, mais avec considération. À nous désormais de prouver que cette confiance est bien placée.

Par Abdoulaye Wansan Bah, Spécialiste en Gestion des Projets et en Politiques Publiques.

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