Dr. Kpadonou Armand AIDJO est juriste, entrepreneur académique et fondateur de la plateforme panafricaine AKA-eLibrary, un réseau de plus de 13 000 chercheurs et étudiants issus d’une dizaine de pays africains. Il préside également le Comité d’organisation du Sommet International pour la Recherche Scientifique en Afrique (SIRSA), un espace de réflexion sur les paradoxes du numérique à l’ère des transitions globales.
Dr. Kpadonou Armand AIDJO travaille sur les questions de gouvernance numérique, d’intelligence artificielle et de responsabilité institutionnelle, notamment au sein des services publics, des institutions internationales et des entreprises africaines. Il a eu un entretien à bâton rompu avec notre confrère et collaborateur, basé à Cotonou au Benin, le Journaliste économique et grand reporter, Gédéon VEGBA.
Civinewsguinee.info pour l’essentiel de cet’entretien.

Gédéon : Vous avez décroché plusieurs distinctions à l’international. Qu’est-ce qui vous a valu ces distinctions ? Et rappelez-nous lesquelles.
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Ces distinctions traduisent avant tout un travail collectif et une vision panafricaine : celle de faire de la recherche un levier de transformation durable et générationnelle. En 2023, la plateforme AKA-eLibrary a été récompensée à Paris lors de la Semaine Africaine des Solutions comme meilleure initiative numérique de l’enseignement supérieur en Afrique. Et en 2025, j’aurai l’immense honneur de recevoir à Dakar, le 19 novembre à l’hôtel Azalaï, le titre de Docteur Honoris Causa décerné par l’Institut Africain de Recherche Pluridisciplinaire Appliquée (IARPA).
Cette distinction rend hommage à mon engagement pour la recherche scientifique, l’innovation et la valorisation des jeunes chercheurs africains.
Ces reconnaissances sont le fruit d’un parcours fondé sur la rigueur, le travail acharné – même quand personne n’y croit –, la passion et la foi en la jeunesse africaine.
Le numérique prend de l’envergure. Le Bénin en profite-t-il vraiment, surtout dans la recherche ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Le Bénin a réalisé des progrès notables dans la digitalisation de ses services publics et la création d’institutions dédiées à une éducation connectée. Cependant, il existe encore un écart entre le numérique administratif et le numérique scientifique. Nos chercheurs manquent souvent d’outils collaboratifs, de bases de données ouvertes et de financements pour publier leurs travaux. Beaucoup n’ont pas accès à des bibliothèques numériques, certaines ferment tôt, et leurs conditions de travail ne leur permettent pas de se concentrer comme ils le souhaiteraient. C’est précisément pour combler ce vide qu’est née AKA-eLibrary : une plateforme destinée à démocratiser l’accès à la connaissance, mutualiser les ressources et connecter les chercheurs africains au reste du monde.
Dans votre domaine, connaissez-vous d’autres jeunes qui innovent ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Heureusement, oui ! Une nouvelle génération de jeunes chercheurs, développeurs et ingénieurs africains émerge, et cela se constate sur tout le continent. Beaucoup conçoivent des solutions d’intelligence artificielle pour la santé, l’éducation, la justice ou encore des plateformes de données ouvertes. Au sein d’AKA-eLibrary, nous les accompagnons à travers des webinaires, des programmes certifiants et des partenariats universitaires. L’innovation ne vient plus seulement des grandes entreprises : elle jaillit aussi du génie et de la créativité de la jeunesse scientifique africaine. Notre jeunesse est bel et bien éveillée.
Comment êtes-vous arrivé à intégrer cet univers pour être aujourd’hui l’un des rares jeunes béninois à obtenir cette distinction ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : C’est le fruit d’un travail acharné et d’un parcours cohérent, mais aussi d’une passion née très tôt. J’ai commencé par des recherches en droit et en gouvernance numérique, tout en accompagnant mes aînés dans leurs travaux de recherche ; cela m’a beaucoup appris.
Ensuite, j’ai fondé FREE-EBOOKS LAWS, une petite communauté d’une cinquantaine de membres, devenue aujourd’hui AKA-eLibrary, forte de milliers de chercheurs. J’ai toujours cherché à transformer la recherche en impact concret, en créant des ponts entre universités, institutions publiques et secteur privé. Et je le dis souvent : la transition générationnelle reste trop souvent ignorée dans nos pays. Or, nos aînés sont de véritables bibliothèques vivantes ; il est essentiel que les institutions valorisent davantage leur savoir et favorisent la relève.

Parlez-nous un peu de vos ambitions et de vos futurs projets
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Mon ambition est claire : faire du Bénin un hub de la recherche et de l’innovation numérique en Afrique de l’Ouest. Le pays en a les prédispositions humaines et institutionnelles. D’ailleurs, c’est pour cette raison que le comité central du SIRSA a validé sans hésitation le Bénin comme pays d’accueil de la première édition. Nous préparons actuellement le Sommet SIRSA 2026, qui réunira plus de 500 participants venus de 20 pays autour du thème : l’impact des transitions numériques sur l’éducation, la santé, l’économie, la sécurité et le genre. Je travaille également à la création de l’Académie Africaine des Compétences et de l’Innovation, qui formera localement les jeunes aux métiers émergents du numérique.
Quels sont les soutiens dont vous bénéficiez au niveau étatique ou que vous ambitionnez ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Je bénéficie d’un soutien moral et institutionnel de plusieurs acteurs publics et privés, y compris au sein du réseau AKA-eLibrary, qui rassemble des personnalités de haut niveau. Mais nous espérons un appui plus structuré au niveau étatique, notamment pour intégrer le numérique à la recherche et à la formation. Nos universités doivent voir ces innovations non comme une menace, mais comme une opportunité de modernisation et d’ouverture. À travers cette distinction, j’espère que l’État béninois continuera à investir dans la recherche et à faire de l’éducation une source d’inspiration pour toute l’Afrique.
Quels sont les bénéfices de cette distinction pour votre pays ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Cette distinction rejaillit sur tout le pays. Elle prouve que les jeunes béninois peuvent atteindre les plus hautes reconnaissances internationales tout en restant ancrés en Afrique. Elle valorise notre système universitaire et inspire une nouvelle génération à croire en son potentiel. C’est aussi une vitrine internationale pour le Bénin, qui se positionne désormais comme un acteur crédible de la recherche et de l’innovation en Afrique francophone.
Quelle est la plus-value que vous apportez dans votre domaine ?
Dr. Kpadonou Armand AIDJO : Ma plus-value, c’est d’avoir connecté la recherche africaine à l’ère numérique. J’ai contribué à créer des passerelles entre le savoir académique, la technologie et la société, en donnant la parole aux voix fortes de la recherche africaine à travers des partages d’expériences et de connaissances. Je promeus une approche fondée sur la science ouverte, la formation continue et l’éthique numérique. Mon objectif : rendre la recherche accessible, collaborative et utile aux décideurs, aux jeunes et aux communautés locales. C’est, je crois, cette vision intégratrice et inclusive qui fait notre originalité et notre impact.
Entretien réalisé par Gédéon VEGBA pour civinewsguinee.info

