L’arrivée ou le retour au pouvoir du président américain Donald Trump suscite quelques espoirs, mais aussi des inquiétudes par rapport au règlement de certains conflits dans le monde. S’il s’engage à rapidement mettre fin à la guerre en Ukraine, sa position sur la tension en cours en Israël ne prend pas la même direction.
En ce qui concerne notre continent, sa politique africaine n’est pas encore connue. Le moins que l’on puisse dire, est qu’il y a un silence incompréhensible. Pourtant la paix sur le continent est menacée par des crises dans le Kivu au Nord-Est de la république démocratique du Congo, la guerre civile au Soudan, et l’insécurité permanente au Sahel provoquée par l’extrémisme violent.
Au cours de sa campagne électorale le candidat Trump élu Président le 5 Novembre 2024, avait annoncé qu’en 24h, il mettrait fin à la guerre en Ukraine. L’une des raisons évoquées est le coût élevé de cette guerre pour son pays. En effet à ce jour l’aide économique et militaire américaine à Kiev s’élève à plus de 70 milliards de dollars environ. Malgré cette assistance massive, la guerre se poursuit et la victoire ukrainienne tant espérée, devient un vœu dérisoire.
Les nombreuses sanctions économiques de l’Occident contre la Russie ne produisent pas les résultats attendus depuis plus de deux ans. On a l’impression que cette aide massive et inconditionnelle des pays occidentaux dirigés par les Etats-Unis, se fait à perte. Pourquoi alors maintenir la même stratégie sans résultat escompté, au lieu d’expérimenter une autre méthode.
C’est là autant de questionnements qui ont certainement amené le nouveau chef de la Maison Blanche à envisager une autre formule. Aussi s’apprête-il à faire usage de la diplomatie pour un règlement rapide de cette guerre par procuration qui coûte si chère aux Ukrainiens en termes de ressources humaines, économiques, matérielles et infrastructurelles.
La volonté d’arrêter la guerre en Ukraine et la nomination d’un émissaire
On pourrait croire que la décision du président Trump pour une fin rapide à ce conflit relève de sa propension à la paix. Cela est vrai, mais au-delà de cette considération, il faut évoquer sa politique protectionniste selon laquelle son pays doit cesser d’entreprendre de grandes dépenses pour l’extérieur et dans le multilatéralisme, pour se consacrer à la résolution des problèmes de l’intérieur.
C’est de cette manière qu’il entend faire des Etats-Unis, un pays davantage grand et influent dans le monde. Il lui faut par ailleurs être conforme et fidèle à son slogan de campagne qui a séduit beaucoup d’électeurs américains, à savoir ‘’Make America Great Again ‘’(MAGA) et ‘’Trump will fix it.’’
C’est dans le même esprit que s’inscrit son peu d’intérêt à l’OTAN dont l’entretien coûte cher à son pays. Certains observateurs pensent qu’il pourrait y retirer les Etats-Unis comme il l’avait mijoté pendant son premier mandat. De façon générale le multilatéralisme ne l’intéresse pas.
Joignant la parole à l’acte, le nouveau chef de l’Exécutif américain à partir du 20 janvier 2025, vient de nommer un émissaire pour l’Ukraine et la Russie, en la personne de l’ancien général Keith Kellogg. En sa qualité de l’un de ses fidèles, M. Keith, pendant le premier mandat de Trump, avait brièvement présidé le conseil de sécurité nationale, le cabinet de politique étrangère de la maison blanche.
Il est certain que l’ancien général privilégiera les négociations comme moyens d’actions pour le traitement rapide de ce dossier. La formule consensuelle qui conviendrait pourrait se décliner comme suit : accorder les compensations territoriales de la Crimée, du Donbass à la Russie. Amener l’Ukraine à, sinon renoncer, au moins, geler jusqu’à nouvel ordre, sa volonté d’intégrer l’OTAN.
La Russie quant à elle devra s’engager à ne plus attaquer son voisin, à retourner les enfants ukrainiens rapatriés sur Moscou, et accepter de contribuer symboliquement à la reconstruction de l’Ukraine. Ceci suppose que les pays occidentaux et l’Union Européenne lèvent l’embargo sur les fonds russes gardés dans leurs banques avec restitution des intérêts générés, et ce, en vertu du caractère sacré du bien personnel dans le système de l’économie du marché.
C’est probablement les points sur lesquels porteront les négociations. La non-acceptation des compromis par Kiev, entrainerait certainement la cessation ou forte diminution de l’aide américaine. L’Europe qui a choisi de s’aligner sur les Etats-Unis, ne sera pas en mesure de combler le vide que créerait l’absence de l’assistance américaine.
Ce n’est pas pour rien qu’à la surprise générale, le chancelier allemand Olaf Scholz, a eu un entretien téléphonique de près d’une heure avec Monsieur Poutine au cours du mois d’Octobre 2024 dernier. Tout en affirmant la position de l’Europe par rapport à l’opération spéciale russe, le chancelier allemand, par cet acte, ouvre la voie au dialogue avec Moscou. C’est bien le Real politik.
En effet l’une des causes des difficultés économiques et sociales actuelles de la première puissance économique européenne, se trouve dans les sanctions contre la Russie qui ont privé l’Allemagne du gaz russe moins cher. L’oléoduc Nord Stream II qui en alimentait ce pays, a été saboté quelques mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Depuis lors, Berlin achète très cher le gaz liquéfié américain dont l’impact sur les conditions de vie des Allemands devient difficile à supporter. Une porte de sortie est à trouver, peut-être par la reprise de l’achat du gaz russe. De la même manière une issue salutaire et prompte à la tension au Moyen-Orient, est nécessaire. Si le président Donald Trump a été très critique des milliards de dollars alloués à l’Ukraine, il n’en est pas de même de la guerre au Moyen-Orient.
La consistance de l’aide américaine à Israël
De façon régulière depuis des années, l’aide américaine économique et militaire annuelle à Israël s’élève à 3 milliards de dollars. A cela s’ajoute ces dernières années, un montant de 500 millions de dollars par an pour l’entretien aérien du fer de dôme israélien. Depuis le déclenchement des hostilités le 07 Octobre 2023, cette aide sous toutes ses formes s’est accrue. Un bateau de guerre américain est dépêché sur les côtes israéliennes pour venir en renfort aux forces du Tsahal.
La position partiale du prochain chef de Washington, est un frein au règlement correct de cette crise ancienne. On se souvient que pendant son premier mandat, il n’a pas trouvé d’inconvénients à la colonisation de nouvelles terres palestiniennes en violation des résolutions des Nations-Unies. En guise de remerciement une vaste zone colonisée a été baptisée en son nom. L’Ambassade américaine avait quitté Tel Aviv pour Jérusalem malgré le statut particulier de cette ville. Une forte pression a été faite sur certains pays arabes pour normaliser leurs relations avec Israël.
Les conflits en Afrique
Si par rapport à l’Ukraine et Israël quelques éléments de la politique étrangère sont connus, il n’en est pas de même des conflits en Afrique. Or la situation conflictuelle en République démocratique du Congo et la guerre civile au Soudan, sont d’une préoccupation internationale.
Au Soudan plus de 8 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays depuis le 15 Avril 2023 dont 4 millions d’enfants. Les morts se chiffrent à plus de 61000 selon le rapport de la London school of hygiene and tropical medecine. On note des souffrances massives pour la population civile avec des destructions de grande ampleur.
Commencés à Khartoum, les affrontements ont gagné d’autres régions du pays. La communauté internationale ne semble pas assez consciente de la portée du drame humain qui s’y produit, à cause des rivalités entre deux généraux de l’armée, malheureusement soutenus par des Etats étrangers.
De l’autre côté, la guerre dans le nord Kivu en RDC fait rage avec le déplacement de millions de personnes et l’enregistrement de milliers de morts. Les conflits dans cette région sont alimentés par des tensions ethniques, des rivalités politiques, la corruption et surtout la lutte pour le contrôle des ressources naturelles précieuses, avec l’implication des puissances étrangères qui cherchent à s’en approvisionner de façon frauduleuse.
On ne saurait passer sous silence le terrorisme djihadiste qui depuis plus d’une décennie menace la paix, perturbe la quiétude des populations innocentes, victimes de barbaries, alimente l’insécurité et compromet les efforts de développement des pays du Sahel et de certains Etats du Golfe de Guinée.
La prochaine accession au pouvoir du président Trump suscite beaucoup d’espoir pour la paix en Ukraine, mais soulève des inquiétudes pour la cessation des hostilités au Moyen-Orient, au Soudan, en République Démocratique du Congo et dans le sahel. Il est vivement souhaitable qu’il pèse aussi de tout son poids pour sécuriser et pacifier la situation dans ces autres foyers de tension.
Il en a la capacité pour peu que la volonté et l’esprit de justice y soient. En le faisant il prouvera réellement que l’Amérique a retrouvé ses grandeur, force, puissance et reste soucieuse de la paix internationale, (Make America Great Again). Sa foi chrétienne qui influence ses positions sur certaines questions de société, l’y aidera certainement.
Jean-Pierre EDON, Ambassadeur, Spécialiste des Questions Internationales.
Tribune recueillie par Gédéon journaliste béninois pour civinewsguinee.