Au déjeuner de presse de la BAD ce lundi 27 mai 2024 à Nairobi, le président de l’institution a salué la décision du FMI de valider la canalisation des DTS vers les banques de développement. Une victoire d’étape en attendant que toutes les conditions soient réunies pour rendre le mécanisme effectif.
A quelques mois de son départ de la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina (photo) peut célébrer une grande victoire, surtout que la canalisation des DTS vers les banques de développement est restée l’un de ses principaux combats, durant ces trois dernières années.
Le 15 mai, le Fonds monétaire international (FMI) a validé la demande des banques publiques de développement de se voir allouer une partie des 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) promis par les grandes puissances aux pays à faible revenu, un plaidoyer mené d’abord par la BAD, notée AAA, avant que d’autres banques comme la Banque interaméricaine de développement (BID) ne rejoignent le mouvement.
Concrètement, après de longues négociations, le FMI a validé le principe de conversion des DTS en capital hybride pour les banques de développement régionales. Ce nouveau levier financier n’est pas étranger à la BAD, qui fut la première banque de développement (notée AAA) au monde à émettre des obligations de capital hybride, sous la forme d’une obligation perpétuelle portant un intérêt annuel de 5,75 %, dont le paiement est assujetti à la discrétion de la Banque.
Prenant la parole ce 27 mai 2024, à l’occasion du déjeuner de presse des rencontres annuelles de l’institution à Nairobi, Akinwumi Adesina n’a pas caché son enthousiasme : « Je suis heureux que le conseil d’administration du FMI ait approuvé cet instrument hybride qui permettra l’utilisation des DTS pour prêter plus. »
Au total, le conseil de l’institution de Bretton Woods a approuvé 20 milliards de dollars comme limite des DTS qui pourraient être réorientés en capital hybride pour être utilisés par les banques multilatérales de développement (BMD). « Ces DTS peuvent être multipliés par quatre par les banques multilatérales. Ces 20 milliards de dollars pourraient donc conduire à environ 80 milliards de dollars de prêts supplémentaires aux pays », a précisé le leader nigérian.
Si le FMI a finalement validé cette approche, c’est parce que les deux banques de développement ont dû démontrer que la solution reposant sur le capital hybride respectait les critères statistiques du FMI en matière d’actif de réserve internationale. Depuis 2021, les deux banques ont travaillé sur une proposition permettant aux pays d’investir leurs DTS dans les BMD via un instrument de capital hybride qui est en partie une participation en capital et en partie un prêt. « Avec ce mécanisme, cela signifie également que les banques multilatérales de développement ont un autre moyen de prêter davantage sans l’augmentation de capital que leurs actionnaires réclamaient », se félicite-t-on à la BAD, d’autant que les agences de notation comme Fitch et Moody’s ont décidé de classer l’instrument en tant que fonds propres. « Ce sont des ressources dont nous avons besoin rapidement pour le développement », souligne M. Adesina.
Cependant, le feu vert du FMI ne constitue pour l’instant qu’une étape, bien que la plus importante. Car, les BMD ont besoin qu’au moins cinq pays s’engagent à fournir des ressources en DTS pour répondre aux exigences de partage des risques. D’après des sources proches du dossier, l’objectif est d’obtenir ces soutiens assez rapidement, d’ici la réunion annuelle du FMI en octobre, précise-t-on.
Et même si le G20 soutient l’initiative, tout n’est pas gagné d’avance. Lors des rencontres annuelles à Sharm el-Sheikh, Hassatou N’Sele Diop, vice-présidente de la BAD chargée du département Finance a confié à l’Agence Ecofin dans une interview exclusive : « Avec le Japon et la Grande-Bretagne, nous sommes en bonne voie dans les discussions. Nous devons également continuer avec deux autres pays. La France, quant à elle, fait face à un problème : la Banque centrale européenne (BCE) interdit la redistribution des DTS tout en les comptabilisant comme des réserves ».
La BCE, qui a ses propres principes en matière de réglementation, exprime des préoccupations quant à la perception que pourrait avoir la réallocation des DTS vers les BMD, craignant qu’elle ne soit interprétée comme un financement monétaire, une pratique strictement évitée dans le cadre réglementaire actuel de la banque. Pourtant, les pays de la zone euro occupent une position clé dans cette initiative, bien qu’ils ne soient pas les principaux détenteurs de DTS, une distinction qui revient aux Etats-Unis, au Japon et à la Chine.
Source Agence Ecofin/civinewsguinee.info