Les services du FMI en Guinée n’ont pas dérogé à la tradition, celle de présenter et de susciter débats et échanges autour du Rapport FMI portant sur les Perspectives économiques en Afrique Sub Saharienne. Le staff pays du FMI a mobilisé à Conakry, le vendredi 29 juin 2024, une palette d’officiels et de personnalités parmi lesquels, le Ministre de l’Economie et des Finances, celui du Budget, le Gouverneur de la BCRG et la Coordinatrice du Système des Nations Unies en Guinée en présence de hauts cadres, d’experts, techniciens, acteurs du secteur privé, de la société civile, enseignants et étudiants.
Au cours de ce séminaire, l’opportunité a été donnée à Mme Kristèle Younes du Système des Nations Unies d’évoquer les enjeux du développement en lien avec le capital humain, sa dimension éducation et surtout, comment tirer profit du dividende démographique. Mme Kristèle Younes soulignera dans son exposé que « seule l’éducation peut libérer et valoriser le capital humain…. La Guinée disposant d’une population à 60% âgée de moins de 25 ans a, un atout majeur … une population jeune bien formée et outillée pourrait faire profiter au pays, son dividende démographique ».
La patronne du Système des Nations Unies en Guinée a rassuré le Gouvernement de l’engagement de son Institution à soutenir les efforts, projets et programmes de développement de nature « à faire de la Guinée, un modèle de développement socio-économique et inclusif »
Saisissant l’occasion, le Représentant pays du FMI, présentera les grandes lignes du Rapport, en ressortant les enjeux de développement en Afrique sub saharienne, tout en s’appuyant sur le cas guinéen. Dr Nérée NOUMON est revenu en détails, sur les interventions des politiques budgétaires, fiscales, monétaires et structurelles. « Au terme de quatre années turbulentes, l’Afrique subsaharienne semble enfin se rétablir. À la faveur de l’assouplissement des conditions financières mondiales, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya ont émis des euro-obligations en début d’année, mettant ainsi un terme à une période de près de deux ans pendant laquelle la région n’avait plus accès aux marchés internationaux de capitaux. Les ratios de dette publique se sont largement stabilisés, et l’on observe certains flux de capitaux amorcer un retour dans la région. Dans l’ensemble, les perspectives s’améliorent progressivement et l’activité économique reprend modestement. » soutiendra t il.
Le Représentant Résident du FMI affirmera cependant, que « la situation de la région n’est pas au beau fixe, et la pénurie de financements se poursuit. Les États de la région sont encore en proie à des manques de financements, des coûts d’emprunt élevés et des risques de refinancement, dans un contexte où la mobilisation des recettes publiques nationales reste faible. Des remboursements d’ampleur se profilent cette année et la suivante. Ces difficultés de financement contraignent les pays à réduire certaines dépenses publiques essentielles et à réaffecter au service de la dette des fonds censés financer leur développement, ce qui met en péril les perspectives de croissance des générations futures. »
Intervenant à son tour, le Ministre de l’Economie et des Finances se félicitera du caractère résilient de l’économie guinéenne, en dépit du choc lié à l’explosion du dépôt de carburant et de l’impact des crises du covid et des conflits internationaux sur le pays.
Mourana Soumah s’est réjoui de la gestion efficace et prudentielle de la dette, des efforts de mobilisation et de gestions des ressources internes pour financer les projets et programmes d’investissements publics : « En dépit des contraintes liées à la transition, nous avons travaillé pour avoir un endettement soutenable et modéré pour la Guinée … ce qui nous a permis de financer les investissements publics. C’est pour la première fois que le niveau d’exécution des dépenses publiques atteint 46% en Guinée. Il y a de gros efforts dans la gestion rigoureuse des finances publiques, des reformes et initiatives pour la digitalisations des moyens et processus de collectes ressources et de dépenses publiques. »
Le Patron de l’Economie guinéenne saluera également, les appui du FMI à la Guinée au titre du guichet chocs alimentaires et du soutien financier récent après l’explosion du dépôt de carburant sans compter l’accompagnement dans le cadre des programmes d’assistance technique et conseils au titre du partenariat qu’il qualifie ‘’d’excellent et exemplaire.’’
Ces efforts ont contribué à rendre l’économie guinéenne résiliente avec des perspectives encourageantes qu’augurent le Mēga projet Simandou appelé à doubler ou tripler le PIB du pays, en amenant même, les agences à revoir la notation pays.
Aspect sur lequel, le Ministre du Budget, ancien Administrateur du FMI est longuement revenu. Facinet Sylla, après avoir évoqué les efforts et reformes dans le domaine budgétaire et fiscal, a questionné la pertinence de l’exigence du respect du limite du déficit budgétaire à 3% du PIB, pour des pays confrontés à la rareté et cherté des ressources de financement extérieurs.
« En Guinée tout est priorité… pour répondre à la demande sociale, le gouvernement se doit d’investir pour le capital humain, les infrastructures, la sécurité et la lutte contre le changement climatique. On a l’impression que les politiques contracycliques dont usent les nations aux grandes économies … ce n’est pas pour les pays en voie de développement comme nous… il faut revoir ce dogme en faisant confiance aux Africains capables de mobiliser et bien gérer les ressources publiques sans casser les grands équilibres macro-économiques. En Guinée, avec un CAPEX de 20 milliards USD qu’apportera le Simandou, le pays dispose de pleins d’atouts, les années à venir » confiera, le Ministre Facinet Sylla.
Quant au Gouverneur de la BCRG, il a mis en exergue, la bonne tenue du franc guinéen, la politique de crédit, le taux de change, l’accroissement des réserves de change de la BCRG. Dr Karamo Kaba a insisté sur « la nécessité du rapatriement des 50% des recettes d’exportations dans les mines et bientôt pour toutes les entités ou entreprises qui exportent en Guinée. Cela nous permettra de financer la diversification des activités économiques en Guinée. »
Le Gouverneur de la BCRG a aussi apporté des éclairages sur l’importance et la pertinence de la décision du Gouvernement relative de la suspension des activités d’exploitation d’or artisanale jusqu’ à nouvel ordre. « c’est pour mettre de l’ordre dans ce secteur, éviter la dégradation de l’environnement, l’exploitation des enfants, le blanchiment de l’argent, les risques de trafics illicites de tout genre. C’est une décision responsable prise par le gouvernement pour remettre de l’ordre dans ce secteur, dans les 6 mois à venir » affirmera, le Gouverneur Kaba.
Au cours des échanges des questions diverses ont été soulevées. Les panélistes ont apporté des contributions et éclairages.
Selon le Représentant pays du FMI, citant le rapport 2024 « les pays peuvent s’adapter à ces difficultés en agissant de manière prioritaire dans les trois domaines suivants :
- Améliorer la situation des finances publiques en augmentant les recettes publiques demeure la première ligne de défense dans un monde où l’emprunt coûte plus cher et où les possibilités de financement se réduisent. Cependant, les pouvoirs publics doivent avant tout limiter le plus possible les répercussions négatives du rééquilibrage budgétaire sur les populations et leurs moyens de subsistance.
- Pour ce qui concerne le financement, il y a toujours un besoin urgent de davantage de dons et prêts concessionnels.
- La politique monétaire devrait rester axée sur la stabilité des prix. À mesure que l’inflation marque le pas, de plus en plus de pays disposeront des marges de manœuvre nécessaires pour baisser les taux d’intérêt. Une coordination accrue des politiques budgétaire, monétaire et de change est indispensable. »
Synthèse : Ibrahima Ahmed BARRY, Expert Senior, Journaliste Consultant.